BRUXELLES (AFP) - Le président de la Commission européenne José Manuel Durao Barroso a défendu lundi le "principe du pays d'origine" au coeur de la controverse sur la libéralisation des services dans l'UE, en reprochant à ses adversaires de refuser les conséquences de l'élargissement.
Dans les pays en campagne contre le projet (Allemagne, France et Belgique entre autres), ce principe permettant à un prestataire de services d'opérer à travers l'Union en appliquant la loi de son pays d'origine, a été accusé d'ouvrir la voie au "dumping social" au bénéfice des nouveaux Etats membres.
Invité d'une conférence du Lisbon Council, M. Barroso a rappelé que la libre circulation des services à travers l'Union était, avec celle des biens, des capitaux et des hommes, une des "quatre libertés" inscrites depuis 1957 à l'article 3 du Traité de Rome fondateur de la construction européenne.
En fait, a-t-il dit, "il y a 25 marchés de services dans l'UE", la Commission ayant identifié 91 barrières aux échanges transfrontaliers de services.
Le résultat ? "Le niveau des échanges intra-européens de services n'a pas du tout augmenté depuis 1992". Dans le même temps, la création du marché unique des produits a fait progresser leur commerce d'un tiers, augmentant de 1,8% chaque année le produit intérieur brut communautaire.
Citant une récente étude danoise, le président de la Commission a affirmé que la libéralisation des services apporterait un bénéfice de 37 milliards d'euros aux consommateurs et producteurs européens.
Certes, l'emploi souffrira dans certains secteurs aujourd'hui protégés de la concurrence, mais globalement l'UE gagnerait quelque 600.O00 emplois, selon la même étude.
Une baisse des prix évaluée à 7,2% en moyenne dans les professions réglementées, les plus opposées à cette libéralisation, se traduirait par une hausse du salaire réel dans l'UE de 0,4%.
"Ce sont des gains concrets dont tout le monde bénéficierait. Je ne demanderai pas d'excuses pour essayer de les réaliser", a lancé M. Barroso.
Il a fait valoir que le principe du pays d'origine était, avec la règle de la reconnaissance mutuelle (des qualifications, normes, etc), les "éléments fondamentaux" du marché intérieur déjà mis en oeuvre dans de nombreux secteurs.
A ceux, comme certains socialistes européens, qui veulent substituer à la directive dite "Bolkestein" une multiplicité de législations sectorielles, il répond que l'hétérogénéité des services rend cette voie impraticable.
"De la même manière, les dispositions très différentes dans chaque Etat membre rendrait l'harmonisation très difficile", a-t-il dit à l'intention de ceux qui en font un préalable à la libéralisation des services.
"Si nous devons avoir un marché unique des services, il devra être basé essentiellement sur le principe du pays d'origine, avec des garanties appropriées", a affirmé M. Barroso. "Nous n'abandonnerons pas le principe du pays d'origine", a-t-il insisté.
M. Barroso a accusé implicitement d'incohérence des gouvernements qui ont voulu l'élargissement de l'UE mais refusent d'en accepter les conséquences.
"Après l'élargissement, certains sont réticents à accepter la libre circulation des personnes et des services", a-t-il relevé.
"Certains pensent que la Commission est là pour protéger les 15 membres anciens contre les nouveaux membres. Ce n'est pas le cas. Elle est là pour protéger l'intérêt général de l'Europe", a-t-il dit.
En défendant le principe du pays d'origine, M. Barroso a fixé les limites de la révision de la directive avant son passage au Parlement européen.
"Il faut une directive services la moins édulcorée possible", résumait pour l'AFP Jean-Philippe Cotis, économiste en chef de l'OCDE, après l'intervention de M. Barroso.
• Rubrique : Économie